Dès qu'il s'était approché, il avait eu la confirmation - si le doute n'avait jamais envahi son esprit - qu'il était arrivé quelque chose à la jeune femme. Et pourtant, ses réactions étaient tout ce qu'il y a de plus étrange. On aurait dit qu'il lui faisait peur mais qu'en même temps il la calmait. Peut-être sentait-elle qu'il ne voulait pas lui faire de mal, seulement l'aider. Par ailleurs son visage lui était fortement familier et il avait la nette impression de l'avoir déjà vue quelque part aussi supposa-t-il qu'elle étudiait à Let It Rock. De peine et de misère, elle parvint à articuler ces quelques phrases qui n'avaient guère de cohérences, à part la dernière qui sortit en un souffle. « Je... Je crois... je pfiou... J'm'appelle Faith et je... on vient de m'agresser. » En parlant elle eu quelque gestes, chacun criant son désespoir. Elle tenta d'abord de se relever, ce qui lui arracha un gémissement de douleur. Sa main se mit à chercher un court instant quelque chose sur le sol puis s'arrêta net et elle finit par poser sa tête sur ses genoux. Quelques secondes plus tard elle releva la tête pour venir planter son regard dans celui de l'androgyne qui la regardait, de plus en plus inquiet. Il s'expliquait mieux l'air qu'elle avait lorsqu'il l'avait trouvée. Pourtant maintenant qu'elle le fixait dans les yeux, elle semblait se calmer peu à peu.

Il se risqua à se relever et vint se placer en avant d'elle plutôt qu'à côté et il souleva doucement la cheville qui était douloureuse. Tout en jetant un coup d'oeil, il la regarda et demanda tout doucement: « Qu'est-ce qui est arrivé ? Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? » Sans savoir pourquoi, Bill supposait qu'elle avait été agressée par plus qu'un homme. Il ne savait pas plus pourquoi son coeur battait à tout rompre en imaginant qu'on puisse maltraiter une jeune femme sans défense. Surtout que pour une raison ou une autre, il se sentait tout à coup très protecteur de la dénommée Faith. Dans la maigre lumière dispensée par les phares orientés loin de d'eux de la voiture, l'androgyne avait toutes les difficultés du monde à discerner si la cheville était enflée -signe d'une possible fracture- ou non. Il fronça les sourcils et remarqua qu'elle avait les genoux égratignés. Bien évidemment, il ne possédait pas sur lui un kit de premier soin et doutait de son efficacité dans le noir de toute façon. Alors qu'il pesait le pour et le contre de lui proposer de l'emmener ailleurs, dans un endroit où il y aurait de préférence une source de lumière, il réalisa qu'il ne s'était pas présenté. Même si ça avait le tour de lui tomber fermement sur les nerfs parfois, il s'était habitué à se faire reconnaître partout et à ne plus avoir à se nommer formellement. Or, la jeune femme était soit trop sous le choc encore pour avoir remarqué qui il était, ou bien elle ne connaissait simplement pas les Poison Princes, ce qui était possible aussi, surtout si elle venait d'arriver en ville.

« Désolé, quel impoli je fais. Je m'appelle Bill, » s'empressa-t-il de dire pour combler la lacune qu'il avait lui-même amenée.

Une fois son examen plus que sommaire terminé, Bill aida la jeune femme à se relever. Il glissa un bras autour de la taille de Faith et l'aida à se relever. Aussitôt elle se blottit contre lui. Il la laissa faire en passant doucement sa main de haut en bas dans son dos. Il essayait autant que possible de la soutenir mais il n'ignorait pas que la grande partie de son poids était toujours posée sur sa cheville et que cela devait être douloureux pour elle. Il la regardait toujours, petite silhouette fragile dans ses bras. Soudain, elle leva la tête et il vit ses grands yeux qui le regardait. Puis il sut. Il sut qu'elle savait, qu'elle n'était pas dupe de qui il était, juste à ce petit sourire d'ailleurs qui étira ses lèvres rosées lorsqu'il avait mentionné son prénom. Il nota aussi qu'elle n'avait pas répondu à sa question mais ne poussa pas. Après tout, si elle voulait parler elle le ferait quand elle serait prête. L'androgyne n'aimait pas forcer les gens à se confier et, dans le fond, peut-être était-ce la raison pour laquelle il semblait obtenir la confiance de tout le monde si facilement. Elle s'éloigna et, avant qu'il n'ait pu lui tenir le bras pour l'empêcher de planter ou quoi que ce soit, elle avait déjà fait quelques pas en boitillant. Intrigué, Bill se rapprocha un tout petit peu d'elle, les sourcils légèrement froncés, perplexe. Qu'est-ce qu'elle faisait ? Elle venait de se pencher et fit mine de ramasser quelque chose sur le sol. Peut-être était-ce ce qu'elle cherchait quelques minutes plus tôt sur le pavé ? Elle revint quelques secondes plus tard et s'empara de sa main. Il se laissa faire et elle laissa tomber quelque chose de froid dans sa paume ouverte. Il jeta un coup d'oeil perplexe à l'objet, un magnifique collier avec une pierre d'assez grosse taille bleue qui servait de pendentif.

« Merci bill .... je te suis reconnaissante de m'avoir aider mais je ne suis pas celle que tu crois ... »

Complètement perdu par les paroles de Faith, il se contenta de la regarder. Quelques secondes passèrent avant qu'il ne parle finalement. Il ne savait pourquoi, mais il ne voulait plus la laisser, il ne voulait pas qu'elle ne lui glisse entre les doigts et disparaisse. Pour une raison ou une autre, il voulait mieux la connaître. Et, en admettant qu'elle allait à LIR, les chances de la recroiser par hasard dans l'immense campus étaient presque nulles.

« Je ne crois rien sur toi. Je n'aime pas juger les gens. Tu es toi, simplement. »

L'androgyne sentit son coeur se serrer, incertain d'avoir réussi à la convaincre... de quoi exactement ?

« Je ...devrais appeler un taxi. »

Bill sourit. Elle venait de lui tendre une perche qu'il s'empressa de saisir en souriant.

« Mais tu en as déjà un. Je te dépose où tu veux. »

C'était un sentiment vraiment étrange que de plonger dans le regard d'une parfaite inconnue et d'avoir la ferme impression de la connaître depuis toujours. Or, c'était exactement ce que Bill ressentait lorsqu'il analysait les prunelles noisettes de la jeune fille qu'il venait de « sauver. » Sans compter cette sensation de déjà-vu prononcée qui s'accentuait dès qu'il fixait le visage pâle de Faith. Malheureusement, même son nom ne l'aidait pas à la replacer et il ignorait toujours où il avait pu la croiser. Oui, la croiser, car il était presque certain qu'ils ne s'étaient encore jamais parlé... d'où l'étrangeté de ce début de relation. En ayant finalement marre de toutes ces réflexions qui ne menaient à rien, Bill décida de se laisser aller avec le flot des évènements. À ce moment, comme pour confirmer qu'il avait pris la bonne décision, elle vint déposer un baiser à la commissure des lèvres de l'androgyne qui resta parfaitement immobile. Encore une fois, le geste de Faith déclencha une réflexion intense dans son esprit. Ce n'était pas la première fois qu'une fille lui, hum, sautait dessus. En fait, cela arrivait en moyenne, 5 ou 6 fois par semaine. Que voulez-vous, on ne change pas les groupies. Toutefois, comparé à ces baisers qu'il se voyait normalement imposer, celui que venait de lui offrir Faith n'était pas envahissant, si on veut. Peut-être à cause d'une certaine réserve qui était apparente dans tout ce qu'elle faisait ? Il n'en savait rien. « Fait moi rêver... » Pendant que Bill s'appliquait à rester immobile, elle était maintenant rendue devant la portière passager et avait lancé ces quelques mots avant d'entrer dans le véhicule. L'androgyne la rejoignit rapidement et s'installa côté conducteur.

« Et si on reprenais depuis le début ? »

Elle le regardait maintenant en souriant, un sourire qu'il sentait vrai. Il avait remarqué qu'elle posait ses yeux un peu partout, des sièges en cuir à la radio aux vitres puis encore aux sièges et ainsi de suite. À son tour, il sourit. Elle avait presque l'air d'un enfant à qui on donnerait le jouet qu'il voulait depuis si longtemps.

« Faith adams et a qui ai je l'honneur ? »

Pendant qu'elle émettait un petit rire, Bill remarqua un haussement de sourcil qui lui était plus que familier. Il laissa planer un silence un moment, prenant le temps de se tourner vers l'avant, de tourner la clef dans le contact et de faire démarrer le moteur avant de se retourner, juste au moment où Faith allumait la radio. Du rock. Bah si, vous ne croyez tout de même pas que Bill écoute du pop, j'espère ? Bien sûr que non ! Bref, il répondit finalement:

« Bill Anderson. Mais tu le savais déjà, non ? »