Ce matin-là, Bill était tout ce qu'il y avait de plus joyeux. Il se sentait dans son mode « saute-partout-au-point-d'énerver-tout-le-monde-autour-de-toi » et il fallait avouer que de le voir bondir un peu partout avec une exubérance peu commune finissait par tomber sur les nerfs de tout le monde. Même Tom n'arrivait plus à le supporter lorsque cela durait plus qu'une demi-journée. Pour décrire efficacement cet état étrange, imaginez un hérisson qui aurait avalé une trois tasses de café et du sucre, beaucoup de sucre, et vous obtenez le résultat, à la différence que ni le sucre ni les bonbons n'étaient la raison pour laquelle il agissait ainsi. C'était juste une des facettes de son caractère et il était franchement beaucoup plus simple d'attendre que l'orage passe sans chercher à comprendre. Bref, il s'était levé du bon pied et c'est en chantant à tue-tête -au grand dam de tout le monde qui habitait avec lui- qu'il s'était préparé. Comme tout le monde, Bill aimait chanter sous la douche et en avait grandement profité durant les 15 minutes qu'elle avait duré.

C'est donc très guilleret qu'il stationna sa voiture dans l'immense parking de l'université. De l'avis de l'androgyne, les dimensions de la surface asphaltées dépassaient grandement la nécessité parce que même pas la moitié des élèves possédaient un véhicule soit par manque d'argent ou d'intérêt. En y ajoutant les profs, on avait besoin d'environ la moitié de l'espace. Mais bon, là s'arrêtaient les compétences architecturales de Bill, tout comme son intérêt - ce n'était pas pour rien qu'il s'était dirigé dans le domaine de la musique plutôt que dans un autre secteur incluant n'importe quelle forme de chiffres, calculs ou encore dessins. Tout simplement parce que c'était une catastrophe. Au souvenir de la tête qu'avait affichée son professeur de travaux manuels lorsqu'il lui avait remis un plan à l'école, l'androgyne éclata de rire. Certaines personnes le regardèrent bizarrement mais la majorité se contentèrent de rouler les yeux. Grâce aux divers médias/paparazzis de Las Vegas, tout le monde connaissait les « sautes d'humeur » du chanteur des Poison Princes et ne s'en faisaient plus pour sa santé mentale. Il sortit d'une poche son paquet de cigarettes et en alluma une avec des gestes rapides et experts. Même si ce n'était pas la meilleure habitude pour les cordes vocales, la nicotine le déstressait comme rien ne le faisait et cela faisait quand même un moment qu'il fumait. Déjà quelques années en fait... Il se réfugia près de la porte pour terminer avant d'entrer, l'établissement étant bien sûr non-fumeur. Il vit une jeune femme sortir, l'air déboussolé, marcher en passant devant lui et s'asseoir contre le mur de briques pour fumer elle aussi. Se doutant qu'elle était sûrement perdue, il s'approcha d'elle après avoir tiré une dernière bouffée de sa cigarette et écrasé le mégot sous son talon.

« T'as l'air un peu désorientée. Est-ce que je peux t'aider à te rendre quelque part ? »

Bill s'accota contre le mur de l'université et croisa la bras. D'un petit signe de tête, il refusa la cigarette qu'elle lui offrait. Ce fut à peu près la seule attention qu'elle lui donna avant de se retourner et de fixer intensément quelque chose. Il jeta un coup d'oeil pour voir ce qui avait attiré son regard et il aperçu... rien. Perplexe, il faut bien l'avouer, il sortit lui aussi son paquet et tira une deuxième cigarette qu'il alluma. Les secondes passaient et elle arborait toujours son air profondément songeur et on aurait presque été gêné de la sortir de ce qui avait l'air d'une méditation vitale pour elle. Malgré sa capacité à, hum, ne pas juger au premier abord, l'androgyne ne réussit pas à retenir une moue étonnée en observant attentivement son visage, à la recherche d'une quelconque expression démontrant qu'elle réalisait qu'il était toujours planté-là en attendant une réponse, n'importe quoi. Pourtant ses yeux restaient toujours collé au point précis dans le néant où ils s'étaient placés. Les premières impressions de Bill sur cette inconnue étaient contradictoires et se partageaient entre l'énervement et l'admiration. Il était légèrement exaspéré par le peu d'attention qu'elle lui portait. Après tout, personne n'aime être laissé pour compte. Cependant, il la trouvait sympathique de l'autre côté, avec cette propension qu'elle semblait avoir de se foutre carrément de l'opinion des gens, encore plus que Bill lui-même. Ça avait toujours été une qualité qu'il appréciait chez les gens et qui lui semblait de plus en plus rare. C'est donc pourquoi il résista à l'envie de toussoter pour rappeler sa présence. La réponse arriva finalement et fit sourire l'androgyne.« Au paradis ? » Ah, parce qu'en plus elle avait un sens de l'humour ?

« Malheureusement, je ne crois pas que je connaisse le chemin. Même si on me dit que je ressemble à un ange. »

Il tira une bouffée de sa cigarette, reprenant son air impassible que la réplique de la jeune femme avait momentanément troublé. Il se la jouait à peine dans cette remarque, c'était le commentaire que toutes les fans (groupies surtout ) lui rabâchait le plus souvent. Et lui de répondre qu'il portait un peu trop de noir pour être un ange. Enfin... « Je crois que..enfin je suis un peu paummé, tu vois ? Et je me demande..enfin je sais pas. Tu sors d'où toi ? » Il haussa vivement un sourcil, se demandant tout à coup si son silence n'était pas moins troublant que ses paroles qui étaient un peu... Bref.

« Si je me souviens bien, je sors de là. »

À peine ironique, il pointa la porte automatique de l'université qui s'ouvrait et se fermait pour permettre aux élèves de s'engouffrer dans le bâtiment ou encore d'en sortir.